Lors d’un sommet tenu à Bruxelles le mardi 2 décembre, l’Otan a annoncé qu’une nouvelle force armée intérimaire, composée de troupes allemandes, néerlandaise et norvégienne, serait opérationnelle dès 2015. L’objectif de l’alliance : faire face aux tensions grimpantes avec la Russie et réagir plus vite aux provocations de Moscou. Une nouvelle force armée permanente sera quant à elle mise en place à partir de 2016. Cette mesure marque-t-elle le début d’une course à l’armement? L’Otan craint-elle réellement une invasion russe ? Nina Bachkatov, journaliste et experte en question politico-russe, nous répond.
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Ne risque-t-on pas d’entrer dans une logique de course à l’armement ?
Si, c’est évident. Et les raisons ne sont pas que politiques. Les entreprises d’armement sont suspectées d’enflammer le conflit. Aux États-Unis, ces entreprises sont des lobbys très puissants et l’enjeu économique d’une course à l’armement n’est pas négligeable. Cela dit, ce n’est pas cela qui influence directement la décision de l’Otan.
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Cette annonce est-elle une simple mise en garde stratégique ou la manifestation d’une peur réelle ?
Les deux, sans doute. Il y a en Europe des gens convaincus que la menace est réelle. Aux Pays-Bas par exemple, l’opinion publique soutient que les Russes pourraient arriver devant sa porte demain matin. D’un autre côté, l’Otan sort à peine de sa mission en Afghanistan, qui ne fut pas un grand succès. L’alliance cherche une nouvelle raison d’être et les Russes lui en apportent une sur un plateau d’argent. Ils lui donnent aussi l’occasion de revenir à sa mission originelle : la défense du continent européen. Cette mesure est donc prise à la fois par conviction et par calcul. Il s’agit d’une nouvelle forme de dissuasion, non plus basée sur une logique de dissuasion nucléaire, mais sur un déploiement armé dans les pays limitrophes de la Russie.
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Quelle pourrait être la réaction de la Russie si cette force armée se met réellement en place ?
On observe une espèce d’escalade de sommet en sommet. La coopération entre l’Otan et la Russie ne pourrait être plus mauvaise qu’aujourd’hui. On est au bord d’une rupture complète : le « joint council » ne fonctionne plus, presque toutes les coopérations ont été gelées. Il est difficile d’aller plus loin dans ce climat de méfiance. Je pense que personne n’osera faire le pas de trop.