La justice qui est l’un des trois pouvoirs essentiels à notre démocratie, est bien malade. Elle est d’ailleurs appelée le « pouvoir pauvre » à cause du sous-financement dont elle fait l’objet. Ceci n’est pas sans conséquences, à plusieurs niveaux : dans la vie quotidienne des magistrats et celle des justiciables et jusqu’au fonctionnement de la démocratie même. Un juge, souhaitant conserver l’anonymat, explique son point de vue quant à la situation.
Quelles sont les conséquences du sous-financement de la justice au niveau de la vie quotidienne d’un juge ?
La conséquence majeure est l’absence d’informatisation. L’informatique rendrait l’accessibilité aux données beaucoup plus facile et la justice serait donc plus efficace.Au niveau de sa vie pratique, par exemple, le juge ne dispose pas de bureau au palais de justice. C’est pourquoi la plupart des juges travaillent chez eux. Ceci pose un problème d’accessibilité physique aux dossiers. Enfin, la justice souffre d’un manque de juges. Les conséquences au niveau de la durée de traitement des dossiers et de la qualité des jugements sont donc inévitables, ce qui pénalise les justiciables. Le niveau de formation du personnel dans les greffes est souvent insuffisant aussi. Ce sont souvent les juges qui se chargent eux-mêmes de former ce personnel, ce qui empiète sur leur temps de travail.
Selon vous, ce sous-financement représente-t-il un danger pour la démocratie ?
La démocratie repose sur la séparation des trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire indépendants les uns des autres. Mais, dans la situation actuelle, et compte tenu des contraintes budgétaires, la justice est atteinte dans son fonctionnement et devient dans la pratique dépendante des autres pouvoirs. Cette dépendance met la démocratie en péril.Dans une logique de rentabilité, le gouvernement (l’exécutif) pousse la justice à augmenter la quantité de son travail, ce qui met la qualité en péril (jugement trop rapide ou mal ficelé faisant l’objet de recours). Ceci a donc des conséquences directes sur les justiciables et donc sur notre État de droit. Il est donc nécessaire que la justice bénéficie d’un meilleur financement afin de ne plus mériter ce statut de « pouvoir pauvre » qui tend à lui ôter son indépendance.
Est ce que certaines lois ne sont pas appliquées à cause du sous-financement ?
Au niveau de la délinquance fiscale et sociale, beaucoup de dossiers sont classés sans suite à cause du manque de magistrats. Or, tous ces dossiers représentent des sommes d’argent qui échappent aux finances de l’Etat. Une personne qui travaille exagérément en noir, par exemple, devrait pouvoir être poursuivie et l’Etat pourrait récupérer les cotisations et impôts qu’il n’a pas perçus.
La justice pourrait-elle coûter moins cher ?
Au niveau pénal, développer les peines alternatives permettrait de faire d’importantes économies. En effet, faire fonctionner les prisons coûte énormément d’argent à la société. D’autres dépenses pourraient être évitées. La justice dévore par exemple des tonnes de papier chaque jour. L’informatisation réglerait ce problème de gaspillage.
Propos recueillis par Pauline Ponteville