Il y a 15 mois, je publiais mon premier statut Facebook pro-Bernie Sanders. Depuis je n’ai jamais plus cessé de montrer mon soutien au candidat : que ce soit sur Instagram, Twitter ou Snapchat. Avec toute la passion de mes 22 printemps, j’avais parfois l’impression d’être plus engagée dans cette campagne que certains de mes amis américains. Et beaucoup plus concernée que quand il s’agit de candidats belges.
Mais pourquoi tant d’intérêt pour ces élections alors que je n’ai jamais mis un pied aux USA ? Alors que j’ai toujours eu tendance à être très critique vis-à-vis de ce pays ?
“Ils nous offrent réellement un show en présentant les candidats comme les personnages d’un sketch”
La première raison me semble évidente : les médias nous offrent un spectacle quasi permanent, se font le théâtre des campagnes présidentielles américaines. Et je choisis mes mots. Ils nous offrent réellement un show en présentant les candidats comme les personnages d’un sketch. Des personnages que l’on adore ou que l’on déteste, mais qui ne nous laissent jamais indifférents. C’est d’ailleurs l’élément clé de cette scénarisation. En s’emparant de nos écrans, Trump, Hillary ou Bernie envahissent notre imaginaire et deviennent des héros aux rôles stéréotypés. Au fil des rebondissements inattendus et des déclarations tweetées, c’est un feuilleton a succès qui se déroule sous nos yeux.
Bloomberg Politics avait déjà montré le potentiel dramatique de cette campagne en la narrant sous la forme d’une série-documentaire de 26 épisodes. De son côté, Marc Lits, professeur à l’UCL et analyste des médias, a souligné à de nombreuses reprises la parenté, voire la confusion, entre le factuel et le fictionnel : « Si le réel et la fiction sont bien souvent entremêlés, c’est entre autres parce que la réalité apparaît bien souvent construite comme une histoire fictionnelle, qu’elle rejoint les histoires lues dans les romans » (Lits, Du récit au récit médiatique, De Boeck, 2008). De cette manière, lorsque les médias vont présenter le duel Trump-Clinton comme un dilemme entre la peste ou le choléra (oui, parce que le choléra, ça se soigne, mais ça peut faire de vilains dégâts), nos émotions vont primer sur notre rationalité et notre recul critique.
“Comment ne pas se préoccuper du projet du prochain dirigeant d’un tel monstre de pouvoir ?”
Deuxièmement, l’Histoire y est aussi pour quelque chose. Dans nos livres d’école, les États-Unis continuent d’être décrits comme une puissance mondiale qui aurait une influence démesurée sur nos politiques européennes. Une sorte de nation-souveraine dont la domination s’étendrait jusqu’à nos contrées. Un pays envers lequel nous nous devons d’être reconnaissants pour nous avoir sorti de la Seconde Guerre mondiale. Un pays qui a longtemps joué les gendarmes au niveau du globe… De ce fait, comment ne pas se préoccuper du projet du prochain dirigeant d’un tel monstre de pouvoir ?
“On a l’univers au creux de la main, on a l’impression d’être des citoyens du monde”
Ensuite, il y a mon âge. Je fais partie de la génération Y. On vit le smartphone collé à la paume, on est connecté en permanence, on a l’univers au creux de la main. Du coup, plus que les générations précédentes, on a l’impression d’être des citoyens du monde. Les frontières géographiques n’en sont plus vraiment. Internet et les réseaux nous permettent d’entrevoir ce qui se passe par-delà les océans sans bouger de notre fauteuil. Mais de manière plus pratique, la démocratisation des billets d’avion nous permet de voyager à proprement parler, beaucoup plus que nos parents ou que leurs parents avant eux. Ceci ajoute donc à notre sentiment d’appartenance à une « communauté mondiale » dans laquelle l’élection d’un leader, quel qu’il soit, ne nous laissera en aucun cas indifférents. Surtout pas s’il vient du Nouveau continent, celui qui influence tant notre culture aux niveaux musical, littéraire, cinématographique ou encore alimentaire et vestimentaire.
“On aurait bien vu le pays élire pour la première fois une femme à la Maison Blanche”
Finalement, il y a le contexte même des élections. Durant huit ans, les USA ont été dirigés par Barack Obama. Un homme présenté chez nous comme novateur, qui aurait fait grand bien à l’Amérique. Un « type » accessible qu’on ne pourra que regretter. Mais ce n’est pas tout : pour prendre sa relève, il y avait Hillary Clinton. Après un président de couleur, on aurait bien vu le pays élire pour la première fois une femme à la Maison Blanche. Un tel évènement aurait comblé la gent féminine et peut-être montré la voie à suivre aux nations qui se figurent encore les Etats-Unis comme un modèle à suivre.
Mais l’élection de Trump semble désormais presque acquise, même si je ne suis pas certaine de réaliser ce que cette sordide nouvelle implique. Dans ma tête plusieurs scénarios se dessinent, mais ils ne sont pas joyeux. J’espère intimement que dans un mois, lors du vote des grands électeurs, un retournement de situation miraculeux aura lieu. Qu’Hillary remportera finalement l’investiture. Si ce n’est pas le cas, je fais confiance à ma génération, celle des Yers américains, pour prendre en main le destin de leur Nation et pour faire entendre leurs voix. Ils sont ceux qui peuvent (peut-être encore) sauver l’Amérique.