Tous les journaux, aussi bien en Europe qu’outre-Atlantique, ne parlent plus que d’une seule chose : les résultats du Super Tuesday, ce jour décisif dans la course à l’investiture. Hillary Clinton et Donald Trump sortent grands vainqueurs en remportant respectivement sept et six États. L’occasion de revenir sur les candidats à la présidentielle et les primaires américaines.
C’était un mardi particulier ce 1er mars pour les candidats à la primaire américaine. À l’occasion du Super Tuesday, jour où le plus grand nombre de délégués sont désignés, douze États pour les Démocrates et onze pour les Républicains ont élu respectivement 865 et 595 délégués. Cet événement est primordial car celui qui le remporte devient généralement le candidat de son parti à l’élection présidentielle. Bill Clinton en 1992, Robert Dole en 1996, George W. Bush ou encore Al Gore en 2000 en sont les exemples.
Donald Trump, le phénomène occidental
Sur les onze États républicains concernés par le Super Tuesday, Donald Trump en a remporté sept. Le sénateur du Texas Ted Cruz en a lui empoché deux et Marco Rubio se retrouve victorieux dans un seul État.
Avant même ce mardi, Baudoin Velge prédisait déjà la victoire du milliardaire américain, ce qui s’est confirmé, et envisage déjà le tri qui va s’opérer au sein du parti suite aux résultats.
« Aujourd’hui, chez les Républicains, il reste cinq candidats. Il n’y en aura plus que trois d’ici la fin de la semaine. John Kasich et Ben Carson sont très loin derrière dans les sondages et dans les résultats. Ils vont devoir abandonner la course. » Donald Trump sera donc difficile à battre.
Pour Olivier Piton, avocat et lobbyiste à Washington et à Bruxelles, Donald Trump n’est pas un phénomène américain. « Donald Trump ne parle pas de l’avortement, de la peine de mort ou de la famille. Il parle de la pauvreté, de l’immigration, de la globalisation et du déclin du pays, des thèmes que l’on retrouve en Europe. Donald Trump est un phénomène de la société occidentale », a expliqué l’auteur du livre « La révolution américaine commence en 2016 » qui sortira prochainement.
Loin d’être « l’oncle dont on a honte » comme décrit par certains médias américains, Donald Trump est un fin stratège et un véritable expert de la télévision. « Personne ne sait réellement ce que Donald Trump pense. Il est probablement beaucoup moins dangereux que Ted Cruz, qui croit beaucoup plus en ce qu’il dit que Trump », a estimé Olivier Piton. Ted Cruz a d’ailleurs créé la surprise en l’emportant dans deux États.
En gagnant une grande partie des électeurs lors du Super Tuesday, Donald Trump a désormais pris une longueur d’avance qui sera difficile à rattraper, une situation qui satisfait Hillary Clinton, d’après Carrie Budoff Brown, managing editor à Politico.
« Rubio est le candidat qui inquiète le plus Clinton, à cause de son attrait. C’est le plus dangereux si vous regardez au-delà des primaires. Rubio est un conservateur empathique, d’origine cubaine, ce qui pourrait fédérer les électeurs hispaniques » analyse-t-elle.
Cependant les sondages devraient rassurer Hillary Clinton. Il est peu probable que le politicien américano-cubain batte Donald Trump. « Personne n’a pris Trump au sérieux au début. Huffington Post et Buzzfeed avaient même déclaré qu’ils couvriraient ses interventions dans la section ‘Divertissement’. Ils ont arrêté en décembre », explique Carrie Budoff Brown. « Peut-être qu’il est en train de réaliser la plus grande télé-réalité de tous les temps et qu’il annoncera à la fin que c’était une blague » sourit-elle.
Si Donald Trump a le soutien des électeurs, le Parti républicain se désolidarise de plus en plus du businessman, qu’il ne croit pas capable de vaincre Hillary Clinton. « Il y a une différence importante entre les Démocrates et les Républicains. Les “super délégués” forment 15 % des délégués démocrates et seulement 4 % des délégués républicains. Le parti n’a donc pas beaucoup de marge pour arrêter la montée de Trump », analyse Mathieu de Wasseige, docteur en Langues et Lettres et professeur à l’IHECS.
Hillary Clinton, la favorite démocrate
Hillary Clinton a confirmé son statut de favorite démocrate en s’imposant dans sept États. Comme attendu, elle a réussi à récolter les votes des minorités qui lui ont permis, notamment, de gagner haut la main dans les États du Sud. Bien que souvent critiquée comme faisant partie de “l’establishment”, Hillary Clinton arrive tout de même à séduire les marges sociales et s’impose ainsi devant Bernie Sanders.
« Hillary Clinton, c’est la quintessence du Parti démocratique parce qu’elle défend les minorités ethniques, sexuelles et de manière générale, le libéralisme social américain. Elle reflète le côté progressiste qui caractérise le Parti démocrate, sans effrayer les démocrates moyens, déclare Mathieu de Wasseige. Sa force, c’est également qu’elle s’adresse déjà à la Nation dans ses discours et non plus uniquement à ses partisans. Nous l’avons d’ailleurs constaté lors de ses dernières prises de parole. »
Contrairement à son adversaire Donald Trump qui devra fortement adoucir ses propos s’il se retrouve candidat officiel du Parti républicain pour la présidentielle, l’ancienne première dame a déjà recentré son discours et attire ainsi de nouveaux électeurs. « Hillary Clinton est une fine politicienne dans la mesure où elle sait comment ne pas s’adresser les foudres de la critique, mais surtout, elle sait parler aux gens. Si elle devient Présidente, cela sera aussi un grand avantage pour négocier avec le Congrès », analyse Mathieu de Wasseige.
Bernie Sanders, le socialiste revendiqué
Bernie Sanders se présente depuis le début de sa campagne comme un socialiste, un mot longtemps considéré (et encore aujourd’hui) comme un terme grossier et un mouvement politique à proscrire. La situation a de quoi en étonner plus d’un.
« Sanders se présente comme un socialiste mais il n’en est pas un. Il parle en fait beaucoup du système danois et les politiciens américains parlent rarement d’un pays européen, surtout le Danemark », commente Charles Voisin, conférencier à l’Université de Liège spécialisé en politique américaine. Avant de préciser que l’histoire du socialisme américain n’a même pas encore commencé.
Beaucoup abordent l’ascension de Bernie Sanders comme un conte de fées, une comparaison déjà utilisée il y a huit ans pour parler de Barack Obama. Le politicien de 74 ans aurait-il donc une chance de gagner ? « Les perspectives ne sont pas bonnes pour lui. Il a essuyé une défaite écrasante en Caroline du Sud et de nombreux États qui votent lors du Super Tuesday sont semblables en termes de démographie », déplore Charles Voisin. Il a tout de même remporté le Colorado, le Minnesota, l’Oklahoma et le Vermont où il est sénateur.
Si parler de « socialisme » peut séduire les électeurs new-yorkais, il est moins probable que des Texans soient sensibles à ce genre d’arguments, d’après le spécialiste.
Ce qui fait la véritable force de Bernie Sanders, ce n’est pas son socialisme revendiqué. « Les gens votent pour lui parce que Bernie Sanders, c’est l’Autre, a expliqué Megan Kenna, consultante en communication d’origine américaine. Il est populaire parce qu’il fédère les Démocrates qui ne veulent pas d’Hillary Clinton, qui est la représentante de l’establishment. Il y a une grosse vague anti-establishment aux États-Unis pour le moment. C’est devenu le nouveau gros mot. »
L’explication de la montée fulgurante de Donald Trump et de Bernie Sanders n’a rien à voir avec la politique. Ce qui compte pour les électeurs américains, c’est la personnalité du candidat et les valeurs qu’il défend, bien moins que son programme politique.
La ligne d’arrivée en vue
Après cette vague de vote, il reste 3.392 délégués à déterminer chez les Démocrates. Du côté des Républicains, 1.934 délégués doivent encore être choisis. Les primaires continueront jusqu’en juin et le candidat de chaque parti sera désigné officiellement en juillet. C’est à ce moment-là que la campagne commencera vraiment. Le 8 novembre 2016, les Américains seront amenés à élire leur nouveau président.
Protagoras, un think tank sur la communication politique et publique
« L’idée de Protagoras est de créer un véritable réseau de professionnels, une sorte de hub de la communication publique et politique. » Nicolas Baygert, docteur en information et communication et professeur à l’IHECS, a lancé ce 1er mars le laboratoire qu’il coordonne. Selon lui, ce think tank, qui réunit chercheurs, professionnels et étudiants, répond à un besoin national : « C’est quelque chose qui manquait en Belgique. » Protagoras a aussi pour but de professionnaliser le métier de communicateur et participe à la réflexion académique, notamment à travers ses « Cahiers Protagoras ». Des événements, tels que la conférence sur le Super Tuesday, et des séminaires de recherche seront organisés.