Il est bruxellois pure souche, un « echt brusseleir » comme on dit. Il s’appelle Francis, mais tout le monde le surnomme Suske. Suske donc, m’a donné rendez-vous dans un « stamenei » (un café en bruxellois) et nous avons parlé folklore, actualité, cuisine, football… et moustache. Entre rire et bilan de notre époque, la rencontre était aussi cocasse qu’enrichissante.
Moustache d’abord, parce que c’est ce qui frappe en premier chez Suske. De cette moustache, il est fier et il y a de quoi. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a été élu Mister Moustache bruxelloise en 2011. Entretenir cette pilosité imposante, c’est du travail ! Mais aucun barbier n’y touche, car seul son propriétaire en prend soin. La moustache fait partie intégrante de sa personnalité depuis son adolescence, mais Francis avoue avoir dû la raser par deux fois dans sa vie, pour des spectacles.
Suske est également membre d’un Club de Moustaches. Il n’y a qu’à Bruxelles que l’on voit ce genre de chose. Leur QG est basé Place du Jeu de Balle, dans les Marolles. Le Club prépare déjà en vue de la prochaine élection Mister Moustache qui a lieu au printemps. Respecté dans le milieu, Suske sera membre du jury. Mais les moustachus sont aussi là pour s’amuser. Ils se retrouvent régulièrement pour fêter un carnaval, un événement du folklore Bruxellois ou encore l’ouverture de la Foire du midi. Déguisements et bières en veux-tu en voilà seront au rendez-vous.
Question bière, Suske est catégorique : la Jupiler à la pression c’est le must, et l’homme sait pourquoi. D’ailleurs, il ne met plus souvent les pieds au bar « Le Gauguin » depuis qu’ils ont remplacé la Jup’ par de la Primus, de la « pisse de cheval » me confie-t-il. Ce qui nous a amené à parler football. Quand le championnat belge s’appelle la Jupiler Pro League, le rapprochement est vite fait… Le foot est une vraie passion pour lui. Plus jeune, Suske allait au stade toutes les semaines supporter son équipe. Mais la ferveur d’antan s’est adoucie et la critique du monde footballistique a pris le dessus. L’aspect financier du sport ne lui plaît pas. Désormais le foot c’est « surtout la galette », surtout le fric quoi, et Anderlecht brasse trop d’argent. Mais le passionné qu’il est ne peut s’empêcher de suivre les résultats.
Une culture bruxelloise en perdition
Entre toutes ses anecdotes, Suske m’a surtout ouvert l’esprit sur la façon de voir Bruxelles, ville multiculturelle par excellence. Les traditions de différents horizons s’entremêlent dans la capitale, pourtant le folklore bruxellois se perd. Suske, fervent représentant de ce folklore depuis toujours (ses parents lui parlaient en bruxellois), est touché par ce manque d’intérêt pour la culture « echt brusseleir ».
En janvier, Toine et Marthe, figures emblématiques du folklore bruxellois sont décédés. Suske est ému en m’en parlant. Ils ne sont plus beaucoup, mais ils tiennent le coup et s’organisent autour de plusieurs activités. Cependant, comme partout, l’argent manque et les subsides sont quasiment inexistants. Derrière ses lunettes, le regard de Suske est perçant quand il constate simplement qu’ « on ne sait pas donner des subsides quand il n’y en a pas ». Malgré ces difficultés, les « echt brusseleir » continuent d’avancer et restent passionnés par leur culture.
Oubliez les clichés du film « Dikkenek », j’ai rencontré un « echt brusseleir » humble, loin d’être prétentieux, et qui m’a parlé tranquillement malgré l’effervescence du bar. Une rencontre touchante avec un homme amical, aimable, intéressé et intéressant. Je n’irai pas jusqu’à dire que Bruxelles est son royaume, mais Suske en est assurément un valeureux défenseur.
Enzo Leroy
Ayant un ami “echt brusseleir” qui a quelques notions de bruxellois apprises par sa famille, cette histoire me parle, car des amis comme ça, j’en ai pas deux. J’ai grandi à Bruxelles et, étant d’origine étrangère, j’ai toujours aimé cette ville multiculturelle. Je trouve en effet que le folklore bruxellois n’a jamais vraiment fait partie de la vie… des bruxellois. C’était un truc “comme ça” pour les privilégiés on va dire. Pourtant, selon moi, chaque ville devrait se battre pour défendre vivement son folklore, quitte à organiser de grands tournois inter-villes ! En effet, c’est la richesse culturelle d’une ville qui plait au reste du monde et quand des touristes quittent Bruxelles, ils devraient pouvoir penser à autre chose que la bière, les frites et le chocolat. Car il y a autre chose, plein d’autres choses, un langage, des habitudes,.. mais cet “autre chose” est voilée et se perd de plus en plus. Tellement qu’on en vient à se demander s’il a existé. Moi j’aimerai le voir tout de même, j’aimerai le voir le folklore Bruxellois, et en grande pompe s’il vous plait ! – L’Oiseau Chuchotant –