Lors de son arrivée au pouvoir, le gouvernement Michel 1er a assuré qu’il allait s’atteler à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Cependant, la fraude sociale semble bien plus combattue que la fraude fiscale. Michel Hermans, politologue à l’Université de Liège (ULg) confirme cette observation. « On voit peu de mesures à l’égard des fraudeurs fiscaux, ce qui choque à la fois l’opposition et l’opinion publique. La population se demande pourquoi le gouvernement ne combat pas plus les grands délits fiscaux. »
En ce qui concerne la fraude sociale, on peut dire que le gouvernement ne chôme pas. La semaine dernière, Bart Tommelein, le secrétaire d’Etat à la fraude sociale, a fait un pas en avant dans la lutte contre la fraude au domicile. Il a remis en place le contrôle des chômeurs à domicile sans l’obligation de les prévenir 10 jours à l’avance. En somme, un inspecteur de l’Office National pour l’Emploi (ONEM) peut sonner au domicile d’un demandeur d’emploi à l’improviste pour s’assurer qu’il ne fasse pas de fraude au domicile.
La fraude au domicile, qu’est-ce que c’est ?
Une personne qui vit seule reçoit des allocations de chômage supérieures à celles que touche une personne qui vit en cohabitation. La fraude au domicile concerne les demandeurs d’emplois qui trichent sur leur adresse pour obtenir une allocation au taux isolé plutôt qu’au taux ménage, c’est-à-dire supérieure à ce qu’ils devraient recevoir.
Et la vie privée dans tout ça ?
Lors d’une visite surprise, le demandeur d’emploi a le droit de refuser l’entrée au contrôleur de l’ONEM. Selon Bart Tommelein, cette procédure permet de garantir le respect de la vie privée des chômeurs. Cependant, un refus entraîne la suspicion et il suffit à l’ONEM de passe par un juge de paix pour pouvoir visiter le domicile. Michel Hermans voit cela comme une criminalisation des demandeurs d’emploi. « Il arrive qu’une personne ne veuille pas qu’on entre chez elle tout simplement parce que son domicile n’est pas en ordre. Passer par la justice donne l’impression qu’on a affaire à des criminels, alors que ces personnes ne cachent pas forcément quelque chose ».
Cette mesure est mal vue par l’opinion publique par son côté intrusif. François De Smet, philosophe, estime qu’elle est très délicate car elle met en tension des droits différents. « Tout cela est une question d’équilibre entre différents droits. Le droit à la vie privée est extrêmement important pour l’opinion publique. Cette mesure n’est pas vraiment nécessaire car il y a d’autres moyens d’attraper des fraudeurs, comme le calcul des dépenses en eau et en électricité, par exemple. »
En effet, un plan de lutte contre la fraude sociale avait déjà été lancé en novembre dernier. Il donnait le droit aux inspecteurs de l’ONEM de contrôler les consommations d’eau et d’électricité des chômeurs. En contrôlant les dépenses d’un domicile, on peut facilement estimer combien de personnes y vivent, ce qui rend la nouvelle mesure relativement obsolète.
Manque d’équilibre
Une fois de plus, le gouvernement met la priorité sur la fraude sociale et pas sur la fraude fiscale. François De Smet explique qu’il faut lutter contre les deux en même temps pour enrayer les mécanismes de fraude, très présents en Belgique. « L’une et l’autre s’alimentent. Plus on sait que la fraude existe et que l’argent se perd, plus on est tenté de frauder soi-même. » Michel Hermans va plus loin en disant que le gouvernement met ses priorités au mauvais endroit. « Toutes ces mesures – le saut d’index, le recul de la pension, le contrôle des chômeurs – sont des mesures symboliques. Elles n’ont pas de sens, elles sont juste symboliques. Le but du gouvernement Michel, à travers ces mesures, est de casser la mentalité socialiste de droits acquis. » François De Smet estime lui aussi que cette mesure est symbolique. « Les partis de droite veulent marquer l’opinion, c’est tout. Ce genre de mesure ne risque pas d’avoir un impact très grand sur la problématique ».