Diffusé à l’occasion du Festival des libertés, le documentaire Transit Zone, promet d’être fort en émotions. Déjà lauréat du Special Youth Jury Award lors du festival Vision du réel de 2016, Transit Zone relate le pénible passage des migrants par la “jungle” de Calais. Leur espoir : traverser la Manche et demander l’asile au Royaume-Uni. La plupart sont des jeunes hommes venus de pays en guerre tels que la Syrie, l’Afghanistan, la Somalie ou encore le Soudan. Frederik Subei, producteur de documentaires d’urgence s’est immiscé pendant trois mois dans l’univers des ces hommes. Originaire d’Allemagne, c’est en Ecosse qu’il étudie le journalisme avant d’entamer un master en production de films documentaires. Entretien.
Qu’est- ce qui vous a donné l’envie de réaliser un documentaire sur Calais ?
Je m’intéresse à la problématique des réfugiés depuis un bon moment maintenant. J’ai déjà réalisé deux documentaires sur la situation des réfugiés et plus particulièrement sur l’asile. Mais cette fois-ci je voulais plutôt me pencher sur ceux qui ne sont pas encore arrivés et sur ceux qui n’arriveront jamais. J’habite au Royaume-Uni et je pense que la situation des réfugiés à Calais doit être mise en évidence et surtout, elle doit être mieux comprise. Les conditions dans lesquelles vivent les migrants sont inhumaines et notre gouvernement en est en partie responsable.
Pourquoi êtes-vous tant touché par cette problématique ?
Je trouve injuste que nous, Occidentaux, soyons libre de voyager. Nous avons tellement de privilèges comparé à d’autres, sur la même planète. Ceux qui ont le cran d’entreprendre le dangereux voyage jusqu’à l’Europe le font pour une raison. Personne ne quitterait sa famille, son pays et risquerait sa vie s’il ne sentait pas que c’est absolument nécessaire. Je n’ai jamais aimé la notion de frontière. Les réfugiés nous enrichissent culturellement et économiquement si on leur laisse la chance de s’intégrer. Si ces personnes fuient leur pays, c’est aussi à cause de nos choix économiques ici, en Occident.
Vous êtes resté à Calais trois mois, pendant l’hiver. Comment est-ce de vivre là-bas, en tant que “non migrant” ? A-t-il été facile de créer des liens avec les migrants ?
La plupart d’entre eux sont très ouverts et apprécient le contact avec des Européens. Ça leur donne l’impression d’être encore plus les bienvenus. Ça leur donne de l’espoir. Naturellement, ça prend du temps de construire une forte connexion avec quelqu’un. Mais le sentiment d’urgence et les conditions misérables dans la “jungle” créent des liens très forts. L’esprit de communauté et de partage m’ont beaucoup impressionné là-bas. Le groupe avec lequel je suis resté me considérait comme l’un des leurs, tout en ayant bien en tête que j’étais là volontairement, et pour des raisons différentes.
Pourquoi est-il si important pour vous de témoigner, de donner une voix aux minorités ?
Ce que j’aime dans le documentaire, c’est qu’on peut aller plus loin, plus profondément qu’avec un simple bulletin d’information. Ces personnes sont réelles et un film, ça aide le public à s’en rendre compte. Suivre l’histoire d’un individu est bien plus puissant que simplement lire des faits et des chiffres dans des articles. Bien sûr, le travail journalistique joue aussi un rôle important. Mais durant mes trois mois passés à Calais, il m’a semblé que la plupart des journalistes cherchaient juste une histoire rapide qui ne rend pas justice aux gens dont ils parlent.
Transit Zone sera diffusé ce vendredi 28 octobre à 21h30, au Théâtre national à Bruxelles, dans le cadre du Festival des Libertés.
Voir aussi notre newsgame “Jungle is not for us, it’s for animals” et notre long format interactif “London, my dream” sur les conditions de vie des migrants à Londres.
Transit Zone – Trailer from Frederik Subei on Vimeo.