Il y a quelques jours, des photos des chats ont envahi Twitter pour brouiller les pistes et noyer le hashtag #BrusselsLockdown. Une réponse tout en dérision et en humour à la demande de discrétion de la police, afin qu’aucune information sur les perquisitions en cours ne soit divulguée.
André Gunthert, spécialiste des usages sociaux de l’image, y voit un cas très intéressant : « C’est un usage au second degré d’une imagerie qui renvoie traditionnellement au caractère futile et inoffensif du web, vu par ses contempteurs. » Il rappelle également que cet usage “politique” du chaton avait déjà été mobilisé lorsque Banksy avait choisi ce motif en février 2015 pour ses dessins dans la bande de Gaza.
Pour le spécialiste, dans ce cas-ci, la réponse du web est plus précise : le chaton est clairement une image de la censure. « Lorsqu’on lit les commentaires ironiques qui accompagnent ces envois sur Twitter, on comprend qu’ils manifestent une vraie irritation des citoyens face à la limitation de leur droit à l’information et au témoignage. Cette forme de résistance polie, mais néanmoins grinçante, aux injonctions de l’état d’urgence est la première manifestation populaire d’une critique de l’ambiance très “va-t-en guerre” de la séquence post-attentats. »
BREAKING NEWS : Belgium Police using the new 200mph Hovercat during terrorist operations #BrusselsLockdown pic.twitter.com/MnIpiOZT3x — Jayce le Satirique (@jaycelight) 22 Novembre 2015
Ils sont faits comme des rats!!! #BrusselsLockdown #lolcat pic.twitter.com/ieSGE6GXxd — Christopher Gelder (@xferjeannette) 22 Novembre 2015
Mateusz Kukulka est journaliste et expert en réseaux sociaux. Il a cherché à savoir d’où était venue cette initiative. Tout a commencé avec une femme belge, Sylvie, qui regardait les infos sur BFMTV où était raconté tout ce qui se passait en Belgique. Elle a remarqué ensuite le communiqué de la police. Elle a eu peur pour son ami qui travaillait dans le centre. Pour le protéger, elle a envoyé des photos de chats sur twitter pour brouiller les pistes. Après 3/4 d’heure, c’est devenu viral. Pour Mateusz Kukulka, les chats, ça fonctionne toujours ! Ils font partie du code du web. Le partage d’images a été très rapide, c’est devenu même une sorte de compétition entre les gens de celui qui envoie l’image la plus rigolote. Selon lui, ce n’est pas une réaction face à la censure, car tout a été improvisé. L’objectif de base était de ne pas donner d’informations et puis les gens se sont vite pris au jeu en oubliant peu à peu le but de ces images.
Une aide précieuse pour la police
Pour rappel, ces images sont apparues le week-end dernier, alors qu’avaient lieu à Bruxelles des opérations policières antiterroristes. Très vite, les internautes divulguent certaines informations capitales, comme les lieux où se trouvent les policiers. La police fédérale a par la suite demandé le silence radio, une consigne qui a été suivie par les médias belges et par les internautes.
Par sécurité, veuillez respecter le silence radio sur les médias sociaux concernant les opérations de police en cours à #Bruxelles. Merci
— Police Fédérale (@PolFed_presse) 22 Novembre 2015
Ces « lolcats » ont permis de détendre l’atmosphère dans un climat très anxiogène pour la population. Plus de 172.000 messages ont été partagés en quelques heures. Tous ces tweets de chat peuvent également être vus comme des actes citoyens. Les internautes se sont mobilisés pour venir en aide à la police et empêcher les terroristes susceptibles de suivre le hashtag #BrusselsLockdown pour avoir des informations.
L’initiative belge a largement été relayée par les médias internationaux, amusés et impressionnés d’une telle réponse ironique dans un contexte angoissant. Lors de la conférence de presse le dimanche soir, le porte-parole du parquet fédéral a tenu à remercier la presse et les utilisateurs des médias sociaux pour avoir tenu compte de la demande de la police. La police fédérale a également tenu à remercier les internautes.
Pour les chats qui nous ont aidé hier soir… Servez-vous! #BrusselsLockdown pic.twitter.com/7O5ENF6nXa — Police Fédérale (@PolFed_presse) 23 Novembre 2015
Un buzz qui n’a pas échappé aux offices du tourisme des trois régions (Visit Brussels, Wallonie-Bruxelles Tourisme et Toerisme Vlaanderen) qui en ont profité pour réaliser une vidéo promotionnelle mettant à l’honneur ces chers félins.