Lorsqu’un parent est incarcéré, les enfants deviennent à leur tour prisonniers d’une absence et de mille questions. Qu’est ce que la prison ? Pourquoi mon parent doit-il y rester ? Est-ce grave ? Des milliers d’enfants voient leur relation parentale bloquée par les barreaux d’une cellule. Pour comprendre ce qu’ils vivent, nous avons rencontré Magali Dubois, psychologue.
Assise derrière son bureau, dans un cabinet rempli de dossiers, Magali Dubois nous parle de l’incarcération. Durant 10 ans, elle a accompagné et aidé les victimes de méfaits, au sein de la police tournaisienne. Elle constate que la prison est un sujet tabou, surtout pour les enfants.
Comment explique-t-on à un enfant qu’un de ses parents va être incarcéré ?
Magali Dubois : En fonction de l’âge, tout varie. En bas âge, j’explique grâce à des jouets ; avec les plus âgés, grâce à des histoires, mais aussi en expliquant les choses simplement. Il faut utiliser les mots justes et expliquer à l’enfant qu’il n’est pas responsable. Je prends souvent un exemple qu’ils connaissent : quand un enfant fait une bêtise, il est puni. C’est la même chose pour son parent : il a fait une bêtise, va passer quelque temps en prison et il reviendra quand sa punition sera levée. Il ne faut surtout pas leur mentir en disant qu’il est parti en vacances ou autre.
Comment décrit-on ce qu’est la prison et la vie dans celle-ci ?
M. D. : Le but est de ne pas dramatiser la chose, ni d’expliquer à l’enfant que son parent n’est pas en souffrance. Il ne peut pas sortir parce que c’est la punition, mais il a quand même un minimum de confort. Je peux l’expliquer en montrant quelques photos ou en expliquant comment est la cellule. Il faut savoir que les enfants fabulent vite et qu’ils voient la prison « comme à la télévision ». Il faut expliquer qu’il sera dans un uniforme, avec des grosses portes et des gardiens autour de lui.
En prison, un lien est rompu. Comment le préserver ?
M. D. : Le principal est d’expliquer que même s’il n’est pas là, la relation ne change pas. Il reste le même, c’est un changement dans sa vie, mais l’amour demeure. Il faut raconter les circonstances, montrer qu’il a fait la bêtise à un certain moment, mais qu’il ne changera pas. Il faut rassurer. De plus, l’autre parent joue un grand rôle. C’est lui qui décide de laisser ou pas une place pour le parent absent. L’enfant pourra évidemment voir son parent lors de visites organisées, lui parler, lui donner quelque chose et le toucher, mais en étant surveillé.
Quelles sont les réactions générales des enfants lorsqu’ils apprennent qu’un de leur parent est écroué ?
M. D. : Ils ont un sentiment d’abandon. Il y a un mécanisme de protection chez les enfants qui provoque le fait qu’ils sont fâchés contre la police et non contre leur parent. Certains enfants s’adaptent vite à l’absence. D’autres angoissent sur le fait que si l’un les abandonne, l’autre pourrait le faire aussi. L’important est de verbaliser les angoisses de l’enfant.
Que se passe-t-il quand le parent sort enfin de prison ?
M. D. : La réadaptation peut être compliquée, cela doit être fait en douceur. Il faut restaurer la confiance et l’écoute. Il doit reprendre son rôle, mais au rythme de l’enfant.
Propos recueillis par Lucie Delplanque