Le festival Courts Mais Trash existe depuis maintenant 14 ans. Pour François Marache, monteur de formation mais surtout directeur et fondateur du festival, c’est “une manière de faire vivre le cinéma qu’il aime : indépendant, court, foutraque, politique, drôle, beau, moche et différent”. Dans la même optique, l’édition 2019 entend faire vivre le cinéma féminin et diffuser plus de films faits par des femmes, sur des thématiques féminines.
Les fidèles représentants de l’Underground
Le festival s’est toujours tenu aux Riches-Claires. Cette année, il s’étend pour quelques séances un peu plus loin dans le centre-ville : au renouveau cinéma Palace. Bien que la blancheur du lieu soit à l’antipode de ce qu’est Courts Mais Trash, le nom sied à merveille au festival. C’est un palais, ou plutôt un antre de ce qu’on peut voir de plus bizarre, de plus cool, de plus brillant, et tout ça dans la pénombre, comme dans la boîte de nuit parisienne homonyme qui a donné son nom à toute une génération et dont les membres restent, encore aujourd’hui, les fidèles représentants de l’underground.
Courts Mais Trash embrasse la même logique et donne un coup de projecteur sur les sous-sols du cinéma, l’endroit le plus excitant et le moins visible puisque les courts-métrages ont pour la plupart été autoproduits sans subsides. Ses réalisateurs sont conscients qu’ils ne pourraient diffuser leurs productions nulle part ailleurs.
L’an dernier, on pouvait apprendre comment cuisiner des pancakes avec ses fesses dans la séance Courts Mais Super Sex, ou découvrir une nouvelle manière de porter ses bijoux dans la séance Born 2 be Cheap qui présente les plus imaginatifs des films fauchés.
« Rétablir l’équité, ça commence à travers ce genre d’événements »
Cette année, le festival veut redonner une place importante aux femmes dans le cinéma, à l’occasion du focus « Female Trouble », et de ses trois séances 100 % féminines de la thématique à la réalisation, en passant par le jeu pour se terminer par la sélection.
Pour Célia Pouzet, en charge de la programmation de ces séances, « il est important de rétablir l’équité qui est due à la femme dans le cinéma, et ça commence à travers ce genre d’événements». « Puisque la femme fait des films, puisqu’elle crie, qu’elle tombe amoureuse et qu’elle vit tout simplement, au même titre que l’homme, elle mérite qu’on la mette en lumière. »
C’est ce que la programmatrice a fait à Courts Mais Trash. En ouverture, ce mercredi 16 janvier, on pouvait voir les femmes dans tous leurs états : des femmes qui changent, des femmes malades, des femmes qui prennent des bains, des parties génitales qui chantent et surtout des femmes qui s’expriment.
Des quotas pour l’égalité
En 2018, et même après l’affaire Weinstein et le mouvement Time’s Up qui ont permis au public et à l’industrie de ne plus ignorer les réalités du harcèlement, des agressions sexuelles et des inégalités salariales présentent depuis la création du cinéma, le statut des femmes au cinéma peine à changer.
Jane Campion est toujours la seule réalisatrice à avoir reçu une Palme d’Or à Cannes, en 1993. Et, il ne s’agissait que d’une demi-récompense puisqu’elle a dû la partager avec Chen Kaige. À Cannes toujours, seules quatre femmes ont reçu le prix de la mise en scène et du scénario en plus de 70 ans, sur 111 lauréats recensés. On peut cependant considérer qu’il y a eu une évolution positive puisque la moitié de ces prix (2, donc) ont été décernés en 2017.
Pour atteindre l’égalité, la Suède et l’Irlande ont déjà franchi le cap en imposant des quotas pour que 50 % des subventions soient attribuées à des projets constitués par des femmes. Ces quotas ont donné des résultats : en Suède, le nombre de réalisatrices a doublé, passant de 16 à 38 % en quatre ans.
En attendant l’instauration de quotas, il est important de ne pas passer les inégalités au silence, comme l’ont fait les réalisatrices du collectif « Elles font des films » en brandissant leurs panneaux « 4/32 » lors de l’ouverture du BRIFF (le Brussels International Film Festival) en juin dernier, un slogan qui soulignait que seuls 4 des 32 films à l’affiche étaient réalisés par des femmes.
Les deux prochaines séances Female Trouble auront lieu le 18 et le 19 janvier à 21h30. Le festival se clôture dimanche entre les Riches Claires et le Palace. Pour le programme et les réservations, rendez-vous sur : www.courtsmaistrash.net