Un des précurseurs de la street photography, William Klein s’installe au Botanique du 15 décembre au 5 février pour le grand plaisir des passionnés de photos, amateurs, curieux… Une exposition qui présente cinq grandes villes à une époque charnière de la fin des années 50 et du début des années 60, et qui les dévoile sous le regard très subjectif de l’artiste.
L’œil pétillant, le sourire aux lèvres, un accent américain qui brille quand il me raconte ses différentes expériences vécues à travers ses œuvres. Toujours passionné, taquin et farceur, j’en oublierais presque que l’artiste qui me fait face a vu le jour dans une toute autre époque : le New York des années 30.
Après ses études, à 18 ans, il part faire son service militaire dans l’armée US, car à l’époque, c’était la guerre. Démobilisé à Paris, il choisira de se concentrer sur la peinture et étudiera durant une courte période avec Fernand Léger, peintre cubiste français du début du 19esiècle.
Une première oeuvre percutante
Après ces années parisiennes, William Klein retourne dans sa ville natale. Un formidable journal photographique émergera de ce retour, des street photographies poignantes, dépeignant son quartier de New York comme jamais on ne l’avait vu auparavant.
A ce moment-là, il se rend compte des multiples possibilités qu’offre la photographie qui, pour lui, semble à l’époque être en retard et encore trop timide par rapport aux autres médias. Sans formation, il ne connait pas, et donc ne prête pas attention aux tabous du milieu. Il va donc utiliser des grands angles, jouer sur le grain. Les contrastes sont interpellants, tellement ils sont violents, il innove le cadrage. Bref, il suit son instinct et le résultat sera son premier livre Life is Good and Good For You in New York : Trance Witness Revels. Dans cette série, le quartier où il a vécu ressemble à un ghetto où la plupart des personnes issues de l’immigration sont représentées. Il y dénonce aussi le capitalisme envahissant les rues de la Big Apple. Le livre, jugé violent et peu valorisant pour la ville, ne sera d’ailleurs pas publié aux États-Unis.
Photographier la rue sans mise en scène
Klein a commencé son œuvre photographique avec un style bien particulier. Marie Papazoglou, responsable des expositions au Botanique, voit en lui un précurseur de la street photography : “C’est un type de photographie qui se trouve au bord de la photographie documentaire. On n’est pas dans le photojournalisme, mais en principe, cela n’implique pas de mise en scène. On est dans un rapport très spontané et plutôt en milieu urbain. Ce sont des gens qui sont photographiés généralement. »
Son style à contre-courant parvient à s’imposer jusque dans le milieu de la mode. Il me raconte qu’il a travaillé pendant plus de dix ans pour le magazine Vogue, qui l’a soutenu depuis ses débuts et qu’il l’a laissé libre dans ses compositions. Une des nouvelles choses que William Klein a notamment expérimenté, a été de faire sortir les modèles dans la rue. Il m’explique à travers cette photo Simone + Nina, di Spagna comment il décidé de ce cliché.
Après New York, il a décidé de conquérir d’autres villes. Armé de son appareil photo, il parcourt les rues de Rome en 1956, de Moscou ou encore de Tokyo en 1961, où il parvient à saisir le brouhaha des rues, les cris et rires des enfants, la gravité de certaines situations. Vient enfin Paris, la ville où il avait posé ses bagages en 1947. Dans une ribambelle de clichés, la ville est montrée sous différentes formes : on traverse le temps à travers des événements qui ont marqué la ville, de la fin des années 50 au début des années 2000.
Chaque ville offre des prises de vue spontanées des rues, des moments de vie figés avec une émotion renversante. La responsable des expositions au Botanique, Marie Papazoglou, raconte les raisons pour lesquelles elle a choisi ces cinq œuvres photographiques.
Un artiste aux multiples facettes
L’artiste, comme il préfère se définir, porte de nombreuses casquettes : en plus de celle de photographe, il est aussi peintre, cinéaste et graphiste. Dans l’exposition, on peut (re)découvrir certains de ses clichés noir et blanc très contrastés, structurés par de gros traits vifs de couleurs. Comme dans celui pris à New York appelée Gun 1.
La rétrospective du Botanique est aussi l’occasion de visionner son premier documentaire expérimental, Brodway by Light, réalisé en 1958 pour dénoncer l’hyper-capitalisme américain. Pour cette première réalisation, le cinéaste Alain Resnais (réalisateur d’Hiroshima mon amour) et l’éditeur Chris Marker avaient soutenu et collaboré avec Klein. L’exposition nous présente une partie seulement de son œuvre riche et variée.
Un sourire inoubliable
En voyageant et en rêvant à travers les diverses pièces du musée, plusieurs portraits pris en gros plan m’ont beaucoup interpellée. La série sublimant parfois Paris et, à d’autres moments, la montrant sous un air grave, m’a permis de voir l’évolution de la ville à travers l’œil du photographe William Klein. Mais celle qui a retenue mon attention plus particulièrement, c’est Bikini prise à Moscou en 1959. La jeune fille en avant dégage beaucoup de malice, mêlée à une joie débordante. Durant ma rencontre avec l’artiste, je l’ai interpellé sur cette photo.
Ce sourire m’a accompagnée dans toute l’exposition. Pour un instant, elle m’a même amenée sur le bord de la plage où elle se trouvait.