Qui remplacera David Cameron au 10 Downing Street ? « Lui-même » répondrait un tiers des votants ce jeudi, selon les derniers sondages. Face à lui, Ed Miliband, chef de file des travaillistes, le parti de gauche britannique, récolterait exactement le même score, 33% des voix.
Le mode d’emploi
Sauf qu’en Grande-Bretagne, les 650 élus de la Chambre sont élus dans 650 circonscriptions différentes avec un seul élu par circonscription. Autrement dit, arriver deuxième ou dixième dans une circonscription ne change rien, la candidat n’est pas élu. Les sondages des derniers jours ont compté en voix sur tout le territoire et non en sièges au Parlement. La conversion en sièges serait d’environ 40% pour les travaillistes, 40% pour les conservateurs et environ 20% pour les autres.
Sans majorité absolue (50%), l’un ou l’autre des deux partis devra négocier une coalition avec des partis périphériques. Et de nombreuses stratégies d’après élections sont possibles. Parmi ces 20% restant, on retrouve le traditionnel troisième parti, celui des libéraux-démocrates, qui formait la coalition avec les conservateurs de David Cameron. Il serait le grand perdant du scrutin en passant de 56 sièges à une petite trentaine. Pour Nick Clegg, le dirigeant de ce parti, la stratégie est déjà claire. Il a déjà annoncé « qu’il se joindrait au parti qui recueillera le plus de voix » mais « qu’il imaginait difficilement se trouver dans une coalition avec le UKIP ».
Le UKIP pour « UK Independence Party », parti de droite eurosceptique avec certains relents racistes, dépasserait justement les libéraux-démocrates. Fort de sa victoire aux élections européennes de 2014, le parti du charismatique Nigel Farage se voyait déjà grand gagnant de cette élection législative. D’après le dernier sondage, il n’obtiendrait que trois petits sièges, assez pour s’immiscer dans une coalition, trop peu pour pouvoir dicter ses choix.
Les verts de gauche ont, pour l’instant, une présence anecdotique dans la célèbre Chambre des Communes avec un élu sur 650. Cela ne devrait pas changer pour cette législature car s’ils obtiennent un nombre élevés de voix, arriver premier dans plusieurs circonscriptions sera beaucoup plus compliqué. Ceux qui pourraient faire tout basculer, ces sont les élus du SNP (Scottish National Party – parti nationaliste écossais de gauche) à qui sont promis une cinquantaine de sièges au lieu de six actuellement. Ils pourraient servir d’appui à une coalition de gauche avec le Labour même si Ed Miliband s’est déjà dit peu enclin à gouverner avec des indépendantistes.
« Ed le Rouge » comme opposant à David Cameron
Ed Miliband, 45 ans, a fait de la baisse des inégalités une priorité lors de cette campagne. Cela semble paradoxal vu d’Europe continentale alors que la situation économique britannique est bonne avec un taux de chômage autour des 5,5%, bien plus bas que la moyenne européenne.
Le leader du Labour (parti travailliste) souhaite en réalité aborder le problème d’une catégorie de la population qui a crû de façon inversement proportionnelle au taux de chômage : les travailleurs pauvres. De fait, de nombreux emplois précaires ont vu le jour ces dernières années. Deux conséquences à cela. Premièrement, de nombreuses personnes sont considérées comme ayant un travail mais celui-ci reste précaire et leur situation l’est tout autant. Deuxièmement, le taux de chômage a considérablement baissé. Autrement dit, selon les discours de gauche, la baisse du taux de chômage n’est qu’artificielle.
L’immigration comme sujet central
Pour autant, ce n’est pas le socio-économique qui semble passionner les électeurs britanniques. Ces derniers mois, le débat s’est resserré autour de l’immigration, « toujours aussi grandissante » selon les uns, « positive pour l’économie » selon les autres. À Londres, la deuxième langue la plus parlée est le polonais et le tabloïd Daily Mail était là pour le rappeler en 2006 avec son titre : « La ville dont les Polonais ont pris le contrôle ».
Pour certains, dont Nigel Farage, le coupable tout désigné de cette immigration massive (500.000 polonais ont rejoint les îles Britanniques depuis 2004) est évidemment l’Union européenne. Le parti eurosceptique ne demande ni plus ni moins que la sortie de l’Europe, un« Brexit » (contraction de « Britain » et « exit »). La réflexion est simple, d’un côté, la Grande-Bretagne ne devra plus contribuer au budget de l’Europe et, de l’autre , elle pourra mieux contrôler ses frontières pour maîtriser l’immigration.
Vers un Brexit ?
Ce positionnement, ainsi que la montée dans les sondages du UKIP tout au long de la législature, ont mis la pression sur le parti conservateur de David Cameron. En janvier 2013, le « Prime Minister » annonçait d’ailleurs, en cas de réélection, la tenue d’un référendum en 2017 sur la sortie du pays de l’Union européenne.
Vu de Belgique, le Brexit est donc l’enjeu principal de cette élection. Le UKIP et le parti conservateur remporteront-ils assez de sièges pour proposer aux électeurs britanniques une sortie de l’Union dans les deux ans ? L’Écho rappelait le 27 avril que notre pays serait un des pays les plus touchés par un possible « Brexit ».