Début décembre, le ministre de l’Enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt a dévoilé huit propositions politiques pour encourager la formation d’imams et de cadres musulmans en Belgique. Ces propositions font suite aux conclusions du rapport de la commission pour un “islam moderne de Belgique”, lancé par le ministre en mars 2015. L’occasion pour le BBB de se revenir sur la question de la formation des imams et d’interroger trois personnalités qui connaissent bien l’islam en Belgique : Abdelaziz El Ouahabi (EMB), Michael Privot (islamologue) et Mohammed Galaye Ndiaye (Centre islamique de Belgique). Rencontres et explications du projet politique en cours.
Un manque au niveau de la formation
Aujourd’hui, 82 imams sont officiellement reconnus en Belgique par l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) : « Pour qu’un imam soit reconnu officiellement par l’EMB, il doit passer devant la commission du Conseil des théologiens qui évalue ses compétences théologiques et civiles” explique Abdelaziz El Ouahabi, secrétaire du Conseil des théologiens et attaché au Service mosquées et imams de l’EMB. Mais si les imams sont reconnus par l’Exécutif de notre pays, ils sont formés à l’étranger. Il n’y pas, actuellement, de véritable formation pour les imams en Belgique.
Un manque que regrette Michael Privot, islamologue et directeur du réseau européen contre le racisme : “Les imams qui exercent ici font leur formation en Malaisie, en Indonésie ou en Arabie Saoudite, mais l’islam enseigné là-bas pose question. Les imams venant du Maroc ou de la Turquie ont reçu un enseignement dans des facultés de théologie ou dans des écoles plus traditionnelles où ils apprennent le Coran par cœur.”
“Les imams doivent parler la langue de la région où ils exercent”
La formation des imams en Belgique est primordiale selon Michael Privot. “Si l’imam n’a pas été formé ici et qu’il ne parle pas la langue du pays, il mettra beaucoup de temps à comprendre les problématiques propres à la Belgique. Il n’a pas les mêmes référentiels que les personnes nées ici, car il a évolué dans un autre contexte culturel.”
Pour l’islamologue, la commission pour un ‘islam de Belgique’ mise en place par Marcourt est positive. “Avec d’autres collègues, dont Ismaël Saidi (réalisateur de la pièce de théâtre Djihad), nous avons d’ailleurs lancé une carte blanche il y a plusieurs mois où nous expliquons, entre autres, que les imams doivent parler la langue de la région dans laquelle ils exercent”. L’une des huit propositions de la commission vient en réponse à cette demande puisque des cours de langue pour les imams déjà reconnus vont être mis en place à court terme.
Un certificat et un institut, une faculté dans un second temps
C’est en collaboration étroite avec l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) que Jean-Claude Marcourt a travaillé pour parvenir à ses huit propositions politiques. L’une des propositions consiste précisément à soutenir l’initiative conjointe de l’EMB et de l’UCL d’un « Certificat universitaire didactique de l’enseignement religieux » pour la religion musulmane (CDER-Islam), à destination des professeurs de religion islamique
Les diplômes exigés par la commission fondée par Marcourt ne seront toutefois pas suffisants pour devenir officiellement imam aux yeux de l’EMB. “Il faut faire une différence entre l’exigence des diplômes prônée par la commission pour un ‘islam en Belgique’ et les séminaires donnés par l’EMB. Mais pour devenir imam et être officiellement reconnu par l’Exécutif, il faudra acquérir ces diplômes et suivre les séminaires donnés une fois par mois par l’EMB”, indique Abdelaziz El Ouahabi .
A court terme, un Institut de promotion et de coordination des initiatives relatives aux formations sur l’islam verra le jour. Son rôle sera, dans un premier temps, de recenser les formations existantes en Belgique francophone. A terme, il devrait donner lieu à un bachelier, puis à une véritable faculté de théologie islamique.
Des propositions bien accueillies
“Cette mesure est très positive, c’est une bonne initiative, il faut une collaboration entre l’État et les institutions. Il faut travailler avec les institutions qui existent déjà sur le terrain” déclare Mohammed Galaye Ndiaye, imam et porte-parole au Centre islamique et culturel de Belgique.
Sa formation ? L’imam l’a faite en Égypte mais l’a complétée en Belgique. “J’ai étudié en Égypte à l’Université Al Azhar. Ensuite, j’ai obtenu mon DEA (diplôme d’étude approfondie) en philosophie à l’Université de Liège. Cela fait quatorze ans que je suis sur le territoire belge.”
Mohammed Galaye Ndiaye nous éclaire sur le rôle et le devoir de sa profession : “Un imam, c’est un théologien. Il doit avoir une connaissance approfondie de la religion pour pouvoir répondre aux questions et éclairer les fidèles. Il doit avoir un grand bagage intellectuel pour pouvoir apporter des réponses qui correspondent à la demande de la société et du contexte dans lequel on vit.”
Avec ses huit propositions, Jean-Claude Marcourt aimerait tendre vers un “islam de Belgique”. Mohammed Galaye Ndiaye préfèrerait parler d’un “islam en Belgique”.
Encore à ses débuts, le projet de la commission “Marcourt” a le mérite de faire bouger les choses. L’initiative semble faire l’unanimité auprès de personnalités rencontrées.
Tout le monde est d’accord que les imams doivent avoir une formation en phase avec l’endroit où ils vont exercer. Mais l’état n’a pas à se meler de ça. C’est une situation sur laquelle les musulmans eux même doivent se pencher et trouver des solutions.