Ma vie de courgette, c’est un contraste. Un sujet lourd. Des images légères et douces. Si la mort fait peur à l’adulte ; l’enfant, lui, l’aborde de manière plus décomplexée. Courgette, un garçon de 10 ans, pense que sa mère, qui aimait trop la bière, est morte à cause de lui. Les adultes disent qu’elle est “partie”. Son père les a abandonnés il y a longtemps. Il est alors emmené dans un foyer où il rencontrera une bande de gamins qui, comme lui, “n’ont plus personne pour les aimer“. Leurs parents sont morts, drogués ou en prison.
Avec un scénario pareil, on pourrait s’attendre à un film noir. Pourtant, la vie de Courgette est lumineuse et colorée. Les ciels sont peints. L’action est tournée en stop motion. Une technique minutieuse qui consiste à sculpter les personnages et les décors. On déplace très légèrement les objets entre chaque prise de vue pour donner l’illusion du mouvement. Les personnages de Claude Barras ont été sculptés en papier-mâché, puis imprimés en 3D.
Courgette a un nez rouge, des cheveux bleus et les membres trop longs. Comme tout droit sorti de l’imaginaire d’un enfant. Le résultat est poétique, un peu mélancolique. On plonge dans ses yeux immenses et ultra-expressifs. C’est à travers lui que l’on regarde le film. On est anéanti par la mort de sa mère. Au début, on a peur des enfants du foyer. Une fois la confiance établie, on se lie d’amitié avec eux. On tombe amoureux…
Un projet en gestation pendant 10 ans
Pour que ça colle, Claude Barras a passé deux semaines en immersion dans un foyer. Il a discuté longuement avec ses amis éducateurs pour que ce qu’il raconte sonne juste. Et on y croit. Même l’humour nous rappelle la cour de récréation. Les voix des personnages sont jouées par des enfants, non pas des femmes qui font comme si. Le travail en amont pour aider les enfants à intégrer leur rôle est titanesque, mais le résultat est à la hauteur. Impossible de ne pas s’attacher à ces chérubins. Pour Hervé Le Phuez, coordinateur de la programmation du FIFF 2016, la prouesse de Ma vie de courgette, c’est qu’il parvient à toucher le spectateur. “Ma vie de courgette, c’est ce genre de film qui touche aussi bien des enfants de 8 ans que des adultes“.
“J’ai été sincèrement ému par le film”
Les adultes apprécieront cet écrin de douceur, mais le film est avant tout destiné aux enfants. Claude Barras voulait leur offrir des émotions plus complexes que celles que le cinéma leur propose habituellement. Le réalisateur a eu la bonne idée de faire appel à Céline Sciamma, qui a réécrit le scénario. Elle a l’art de jouer avec les sentiments. Le film est une subtile partition : des crescendos de rires et des pianos de larmes. L’apothéose : lorsque l’on rit et pleure à la fois.
Hervé Le Phuez estime que Ma vie de courgette peut être un bon outil pour aborder le sujet de la mort avec les enfants. “C’est un sujet difficile, mais nécessaire. Puisque l’enfant est habitué à voir des dessins animés, utiliser un film d’animation peut aider à faire passer le message“. Voir des enfants qui traversent ce genre de situations avec un tel cran, ça aide à relativiser ses propres problèmes. Claude Barras nous présente un nouveau genre de héro. Bien plus solides et inspirants que ceux que nous connaissions. Ils ont vu le pire et espèrent le meilleur. Ils parlent de la mort pour célébrer la vie.