Etendons le terme “vintage” au-delà de l’effet de mode. Il s’agit d’un « produit qui appartient à une décennie du passé, et représentatif d’une époque donnée, remis au goût du jour ». Vêtements, accessoires, mobilier… A travers un retour aux modes d’antan, il s’agit de perpétuer des valeurs, une tradition rassurante, voire structurante. Cette tendance semble faire résistance à l’accélération, aux pertes de valeurs et de sens, à la course à la technologie, au manque de temps, à l’emprise de la vie virtuelle sur la réalité que nous subissons tous aujourd’hui.
Rue des Riches Claires à Bruxelles, c’est là que se trouve Foxhole, petit trou de renard pour un retour dans les années 60 et 70, les années où « ça allait bien ». En poussant la porte de cette friperie, l’univers si douillet des Trentes Glorieuses vient nous enivrer, avec ces couleurs toutes aussi chaleureuses les unes que les autres, allant des imprimés hawaïens à fleurs, à pois, ou encore à paillettes…. Et cette odeur, vous la sentez ? Cette odeur qui hume la vieille fringue et la valeur sûre.
Fabienne a ouvert sa boutique vintage il y a maintenant 8 ans. « C’est ma manière de lutter contre la pollution incessante de notre monde. Ici on ne fabrique pas, on revend tout simplement », nous dit-elle. C’est dans cette petite bulle des années 70 que Fabienne vient travailler tous les jours. Les « made in China », elle n’en veut pas. A l’époque tout était fabriqué en Belgique et la qualité ne manquait pas. La preuve : ces « vieilles fringues » tiennent encore debout.
Entre les rayons, nous croisons Martin, alors en train de « chiner » pour trouver la perle rare, qui le bercera avec insouciance comme ces années où l’on pouvait « jouir sans entrave ». « Au moins, les fringues ici, elles sont anciennes, pas chères, authentiques et de qualité ! ».
« Ils avaient plus de styles avant ! ils se prenaient beaucoup moins la tête »
Autre enseigne, même esprit de recyclage et même sens du style. Episode, magasin vintage et chaîne de friperie hollandaise, est aussi une caverne d’Ali Baba pour un retour aux sources.
« Ici, on ne jette pas les vêtements abîmés. Ils passent dans nos ateliers et sont comme neufs ! » nous confie Alice, jeune manager. Et puis, « ils avaient plus de styles avant ! ils se prenaient beaucoup moins la tête », lance Clara, grande adepte des « fripes » regorgeant de vêtements et d’accessoires des décennies précédentes remis au goût du jour ! Pour d’autres, ce n’est pas par acquit de conscience qu’ils passent la porte d’un magasin vintage. « Dans le monde de la musique, c’est très à la mode par exemple, on aime bien ça et ça ne va pas au-delà », lance de manière très sincère un jeune client.
Nostalgie ou engagement écolo ?
A l’heure où la société est en pleine crise identitaire, embourbée dans la surconsommation de masse, c’est la nostalgie qui semble être au rendez-vous. Nostalgie d’une époque insouciante et plus conviviale. Sans parler de ce surplus de choix qui s’offre à nous : comment s’y perdre et ne plus savoir où donner de la tête…
Personne n’est sans savoir que l’Europe va mal, aussi bien sur le plan identitaire qu’économique. Et le retour du vintage dans notre quotidien est peut-être une illustration possible de ce malaise social, de cette société en manque de repères. Il est difficile d’aller de l’avant sans vraiment savoir quelle direction prendre, ou quel choix faire.
« Sociologiquement, deux tendances de fonds assez nettes se sont cependant imposées : un rejet grandissant de la mode rapide pour des raisons idéologiques (environnementales) et un goût pour la nostalgie, donc en partie le vintage. Mais l’emprise grandissante des réseaux sociaux renforce sans cesse la représentation de soi, donc la mode a toujours un rôle-clé à jouer », livre le sociologue Frédéric Godart, auteur de Sociologie de la Mode.
Il ajoute que, « les friperies permettent de consommer durablement » et « qu’elles sont plus qu’une mode, elles sont là pour durer. C’est un fait social total dans la mesure où il permet de comprendre et analyser des évolutions majeures de nos sociétés ».
Un passé rassurant, un avenir incertain
Le sociologue Johan Titriaux s’est quant à lui intéressé, de manière plus générale, à cette « génération quoi ? » (RTBF). Suite à une enquête, il dresse le portrait de cette dite génération. En effet, la jeunesse franco-belge a un sentiment de déclin, de désenchantement vis-à-vis de l’école de l’avenir. « 51% des jeunes sondés pensent que, par rapport à la situation de leurs parents, leur vie et leur avenir sera pire » livrait Johan Titriaux dans une interview à la RTBF. Un élément très pertinent et redondant concernant cette jeunesse est la recherche de l’authentique, du vrai.
À la recherche de repères face à un avenir qui lui fait peur, c’est dans le passé qu’il lui semble le plus facile d’en trouver. N’y a-t-il pas une réflexion plus profonde qui se cache derrière ce phénomène “de mode” ? Pourquoi une génération chercherait à réinventer le présent avec des vestiges du passé ?
Margot Meyer