L’exposition FACE(S) s’est déroulée cet été, et jusqu’au 30 septembre, sous les pas des promeneurs qui arpentent les berges du canal de Bruxelles. Les œuvres exposées présentent 100 visages d’habitants de Molebeek, clichés pris à l’initiative de la Maison des cultures et de la cohésion sociale de Molenbeek. Les portraits exposés sont divers et multiples : le visiteur passe d’un homme à une femme, d’un gros à un mince, d’un jeune à un vieux, d’une chevelure soignée à un voile… Chaque personne photographiée fixe l’objectif comme pour démontrer au spectateur qu’il faut compter sur elle, qu’elle est présente et fière de l’être au sein de la communauté molenbeekoise.
Ces photos sont le fruit d’un atelier ciné et photo pour jeunes entre 15 et 20 ans, animé par Zakaria El Bakkali et Guillaume Vandenberghe depuis 2013. Entre deux ateliers créatifs, nous avons rencontré Zakaria El Bakkali, dans la cafétéria de la Maison des cultures, afin de cerner plus avant sa relation avec les jeunes du groupe et les objectifs qu’il poursuit à travers cette exposition. “Depuis septembre 2015, nous nous sommes consacrés à l’expo FACE(s), une idée venue après les attentats de Bruxelles… Nous voulions trouver une solution pour casser les stéréotypes sur Molenbeek et partager une image positive de la commune. Ce projet a donc été tout naturellement soutenu par l’ensemble de la commune“, explique-t-il.
Le travail photographique est parti de l’atelier. « Je travaille avec un groupe de jeunes, chaque mercredi, pendant 2 à 3 heures, sur les thèmes du cinéma ou de la photographie” poursuit Zakaria, “Le but est de mettre en valeur, à la fin de l’année, le projet réalisé”. L’objectif poursuivi étant toujours la promotion de la diversité et de la découverte culturelles dans le souci d’une plus forte cohésion sociale. Depuis 2010, les jeunes ont réalisé plusieurs reportages sur le terrain, ce qui leur a permis de mieux cerner leur environnement.
Prendre le temps d’écouter les jeunes
Selon Zakaria, cette exposition est professionnelle mais portée par les jeunes d’un bout à l’autre et c’est là tout son bénéfice. “Les jeunes sont mis en avant grâce à la presse, aux habitants et aussi grâce à eux-mêmes. Ils prennent confiance en eux et se rendent compte de leurs possibilités. Ils se sentent tout simplement valorisés à travers ce projet. Tous les mercredis, nous essayons de leur donner les moyens de leurs ambitions : nous prenons le temps de les écouter, en témoignent nos multiples échanges. Nous les poussons à réfléchir, nous tentons de leur faire apprécier l’aspect artistique et créatif qui peut les amener à réaliser de belles oeuvres. Ceci arrive en complément utile du système scolaire, lequel ne permet pas aux jeunes de connaître ces moments d’échanges créatifs, eu égard aux programmes académiques stricts à assimiler dans un temps déterminé. Ce que je trouve personnellement très dommage !“
La grande fierté de Zakaria provient de son constat lors de la préparation de l’exposition : “J’ai senti la capacité des jeunes à produire, à se sentir investis par un projet, à maîtriser toutes les étapes de la production avec, à la clé, leur épanouissement, leur sentiment d’utilité et de confiance dans leur commune, leur quartier… Si les jeunes apprennent à rester maîtres d’eux-mêmes, à sortir de la société de consommation et à s’ouvrir au monde, alors j’ai réussi !”
“La photo est ma passion”
Un bel exemple de la réussite de Zakaria, nous le rencontrerons en chair et en os. Il s’agit de Ahsan, 20 ans, membre du groupe de l’atelier-photo. Nous avons rendez-vous avec lui au bar “Le phare du Kanaal”, lieu bien connu des Molenbeekois où a eu lieu le vernissage de l’exposition.
Ahsan réalise de nombreuses photos depuis pas mal d’années, dans l’événementiel molenbeekois, et c’est par ce biais qu’il a rencontré Zakaria. Celui-ci l’a invité à venir dans son groupe à la Maison des cultures. Ahsan fait partie de l’atelier photo depuis l’année passée. La mise en place, cette année, du projet d’exposition Face(s) est très vite devenue une évidence. Ahsan est molenbeekois et à travers cette expo, il souhaitait redorer le blason sa commune, écorné par les attentats de Paris, mais surtout de Bruxelles.
Photographier la diversité
Ahsan ne s’est pas limité à jouer au photographe, il a également posé comme modèle. En effet, il s’est fait photographier avec son père et sa sœur. “Un très bon moment“, dit-il. Le portrait familial fait partie des 100 portraits retenus.
A travers ces portraits, le groupe de jeunes photographes voulait montrer la diversité qui caractérise la commune. “Nous avions un studio photo mobile et nous nous sommes déplacés aux quatre coins de Molenbeek afin de rencontrer un maximum d’habitants” explique Zakaria, “Nous avons sélectionné les 100 portraits les plus représentatifs de la diversité présente au sein de la commune, avec une attention toute particulière pour l’expression du regard, représentatif du côté émotionnel de la personne“.
Des habitants réticents au départ
Mais Ahsan se souvient que les débuts n’ont cependant pas été faciles. En découvrant le studio mobile, les gens lui semblaient très réticents au départ. L’image de Molenbeek, transmise par les médias depuis tout un moment, n’était pas des plus flatteuses et ils craignaient une surenchère. A force d’explications simples de la part des photographes, de nombreux habitants se sont laissés prendre au jeu.
Et aujourd’hui, comment les habitants se positionnent-ils par rapport à cette exposition ? Une promenade à travers le marché du jeudi et le long du canal, nous a permis de recueillir les sentiments des habitants du cru, plutôt positives dans l’ensemble. Plusieurs ont pointé l’initiative intéressante, permettant de mettre à l’honneur les personnes de la commune, de manière ciblée et individuelle. D’autres ont plus particulièrement apprécié l’aspect artistique et la mise en valeur esthétique des portraits-photos. Seuls quelques-uns, plus rares, se sont montrés dubitatifs, voire désintéressés par cette exposition.
Bilan positif pour l’exposition estivale
L’exposition a bénéficié d’un grand retentissement dans la commune : plus de 3oo personnes ont assisté au vernissage de en mai dernier. Les visiteurs et promeneurs ont été nombreux, ils viennent essentiellement de Bruxelles et des ses environs. Ahsan, notamment, n’a entendu que du positif à propos de FACE(S) et a eu l’occasion d’être félicité par certains visiteurs, notamment des Anversois.
Une aventure au sein de cet atelier photo qui ne fait que commencer pour cet étudiant en électricité : « Cette année, j’ai envie de réaliser un projet photographique sur la culture à Bruxelles, je veux montrer la diversité des Bruxellois à travers leurs vêtements, leur nourriture, leurs habitudes… Des différences qui participent au charme de Bruxelles en quelque sorte. Et pourquoi pas plus tard réaliser des expositions à travers le monde ? Un rêve“, conclut-il.
Zakaria se tourne lui-aussi déjà vers le futur. Fin septembre, FACE(S) se terminera pour laisser place à un autre projet de la même équipe “encore plus passionnant“, nous promet Zakaria.
En attendant, si vous n’avez pas encore eu l’occasion de vous promener le long du canal cet été, voici une petite sélection de portraits, à consommer sans modération :