Face aux discours écologiques fustigeant l’abondance des emballages et leurs conséquences sur l’environnement, certains magasins ont pris conscience de l’impact de la quantité de plastique jeté tous les jours. Des alternatives fleurissent un peu partout, dont à Bruxelles, pour diminuer ce surplus de déchet. Cette diminution est-elle réellement réalisable face aux contraintes de la mondialisation ?
Au magasin Bio Vrac, à Uccle, des distributeurs de céréales sont suspendus aux murs. Des jarres contenant des pâtes occupent l’espace dans le fond du magasin, mais les rayons présentent encore beaucoup d’emballages en plastique. « À travers le vrac, nous désirons diminuer cette abondance de déchets quand c’est faisable et retrouver un juste prix, c’est à dire le vrai prix, celui sans le poids de l’emballage. Le vrac permet également de voir le produit », explique Philippe Polomé, patron du magasin ucclois. Le système du vrac peut aussi diminuer le gaspillage alimentaire car les clients n’achètent que la quantité dont ils ont besoin.
« Le vrac peut diminuer la consommation de plastique, mais il est difficile de tout proposer sous cette forme”
Toutefois, Philippe Polomé est sceptique sur la généralisation de la démarche : « Certes, le vrac peut diminuer la consommation de plastique, mais il est difficile de tout proposer sous cette forme, c’est pourquoi nous avons encore des produits emballés. » Selon le patron de ce magasin, le plastique est une réalité et à l’heure actuelle il est difficile de s’en passer : « Ce matin, nous avons reçu des noix de cajou du Vietnam, évidemment qu’elles sont emballées. En plus, il y a des normes de l’Afsca à respecter. »
Pour parvenir à une forte diminution des déchets, il faudrait consommer essentiellement local et de saison. En demandant au patron pourquoi il ne travaille pas qu’avec des producteurs locaux, il rétorque : « Alors, en cette période de l’année, j’aurais uniquement des pommes de terre, des navets et des choux… La clientèle est aussi habituée aux grandes surfaces où elle a accès à tout ». Le message est clair, si ce petit commerce ne propose pas un choix large et varié de produits, il ne peut survivre économiquement. Quand il évoque le label zéro déchet, Philippe Polomé parle de « fantasme ».
Impossible le zéro déchet intégral ?
Interpellées par ses doutes, nous avons creusé les recherches pour savoir si la suppression des ordures était réellement une utopie irréalisable. C’est ainsi que la boutique La petite Constance nous a fait voyager jusqu’à Willemeau, un village au cœur de Tournai.
En rentrant dans la boutique tournaisienne, les murs roses bonbon sautent aux yeux. Le mur de droite, lui, est recouvert des distributeurs de vrac sur tout le long. Des bocaux, des bouteilles de verre, des paniers en osier et des cagettes envahissent le lieu. Au bout du magasin, devant le comptoir, se tient une jeune femme pétillante et chaleureuse. « Les produits emballés me dérangent, car ils sont le principal contenu de nos poubelles. Je suis diététicienne de formation et, pour mon stage, je voulais absolument travailler dans un magasin bio » nous explique Constance Vander Maren, gérante et propriétaire de la boutique.
Une seule poubelle par mois
Constance s’est lancé le défi de ne remplir qu’une seule poubelle mensuelle. Pour y arriver, elle suit de près la chaîne de production des produits qu’elle vend. « Je choisis mes producteurs selon plusieurs critères : je veux que les produits locaux soient livrés dans des contenants sans déchet ou au moins recyclables ». Certains producteurs acceptent, à sa demande, de faire des efforts particuliers sur l’emballage des produits afin qu’ils soient les plus écologiques possible. Le peu de déchets qui reste est recyclé et tout ce qui est biodégradable se retrouve dans le compost ou chez les poules du voisin.
La diminution des déchets passe aussi par le changement des habitudes des clients. Ceux-ci viennent de plus en plus régulièrement avec leurs propres récipients. Pour ceux qui arrivent les mains vides, des sachets en papier sont disponibles. Sur place, ils peuvent également acheter des bocaux en verre ou récupérer gratuitement ceux déposés par les clients à côté du comptoir. Tout, ou presque, se paie au poids, seuls certains aliments se vendent à la pièce, comme les biscuits ou les œufs.
Philippe Polomé nous expliquait que certains produits ne peuvent se passer du plastique car ils proviennent de l’autre bout du monde et qu’il ne peut en priver son enseigne pour des raisons économiques. Mais Constance Vander Maren est la preuve que le zéro déchet peut être rentable : face à une demande grandissante, elle vient de déménager sa boutique dans le centre de Tournai, démontrant qu’il est possible de se passer du plastique. Elle parvient à développer sa gamme de produits et prévoit l’ouverture d’espaces boulangerie et boucherie. Finalement, la diminution des déchets est pour certain un fantasme et pour d’autres une réalité. La clé pour y parvenir semble se trouver dans nos habitudes quotidiennes, nos intérêts personnels et nos valeurs.
Anabel Mier Garcia et Sarah Barbier